Après HARD ROCK & HEAVY METAL : 40 années de Purgatoire Tome 1, il était logique que Thierry Aznar revienne nous conter fleurette sur fonds de décibels lourds avec le Tome 2 de ses aventures. C'est chose faite à présent, et ce deuxième volet avance un peu plus dans le temps pour nous promener le long des avenues des années 90 et 2000, qui ont été le témoin de grands changements dans notre petit monde haut en couleurs.
Si le volume précédent s'arrêtait en 1989, il n'y avait sans doute pas qu'une simple volonté de découpage aléatoire de la part de Thierry. La fin des 80's ont en effet été les dernières années d'insouciance, de succès pour bon nombre de groupes majeurs, et le fait de commencer ce nouvel ouvrage par une période de transition n'est certainement pas innocent. 1990/1991 furent effet les derniers instants de gloire pour bon nombre de formations Hard Rock/Metal de premier plan, avant la chute médiatique brutale en sans empathie des années 90, qui furent pour beaucoup un naufrage total avant l'oubli, la mise au ban, l'occultation pure et simple.

Alors allons y, montons une fois de plus dans la machine à remonter dans le temps de Thierry pour nous sevrer à la source, et encore une fois, reconnaissons à l'auteur sa plume légère, directe et enthousiaste, qui évoque autant le fan indécrottable que l'auteur consciencieux qui refuse la facilité et la partialité.

En effet, en bon fan de Hard Rock qui se respecte, Thierry aurait pu laisser de côté un certain nombre d'albums indispensables des années 90/2000, sous prétexte que ceux ci ne faisaient que graviter autour de la sphère Metal, sans en faire vraiment partie. Mais il a été objectif, a inclus dans son ouvrage des disques que beaucoup auraient raillé, qu'il s'agisse de Grunge, de Néo ou d'Indie Metal, ce qui prouve une fois de plus toute l'ouverture d'esprit d'un bonhomme qui ne souhaite que faire correctement son boulot. Mais soyons honnêtes. Si vous êtes quadragénaire comme moi, ou quinquagénaire, et fan absolu de cette musique depuis votre prime jeunesse, le volume 1 correspondait sans doute plus à vos attentes que ce second volume. Parce qu'il traitait de sorties qui ont illuminé votre adolescence, parce qu'il abordait le cas de groupes dont les chansons nous paraissent éternelles, et de fait, parce qu'on est attaché à une certaine image du Hard Rock, celui qu'on a connu durant notre adolescence et qui a provoqué nos premiers émois musicaux.

Mais la musique évolue, les modes changent, les musiciens découvrent de nouvelles pistes, et c'est cela que Thierry veut nous faire comprendre à travers ce livre, et je ne peux qu'approuver sa démarche. Après tout, pour les fans des années 70, du ZEP, de SABBATH, ou de CACTUS, IRON MAIDEN a du sembler être un OVNI, VENOM une excroissance hideuse du Punk, et SLAYER une abomination bruitiste bonne à brûler sur le bûcher. Nous avons eu pour beaucoup (pour les moins ouverts d'entre nous, dont je n'estime pas faire partie), la même réaction face à des groupes comme KORN, LIMP BIZKIT, SLIPKNOT ou NIRVANA, et c'est tout l'intérêt de ce genre d'ouvrage de réhabiliter l'unité que certains ont refusé, et de placer cote à cote des groupes qui s'ils officiaient dans des styles radicalement différents, faisaient partie de la même famille.

Au niveau de la ligne éditoriale, Thierry n'a pas changé d'un iota son approche. Il s'intéresse toujours aux laissés pour compte, aux groupes mésestimés, aux albums méprisés, oubliés, abandonnés, et c'est tant mieux. Après tout, tellement de choses ont déjà été écrites sur les albums essentiels qu'il eut été inutile d'y ajouter quoi que ce soit, surtout dans un format aussi court. Si le Tome 1 restait bien sur en terrain balisé Hard Rock pur, cette suite offre un parallèle intéressant sur le glissement opéré par le Heavy dans les années 90. Débutant son analyse par l'année 1990, les deux premiers chapitres n'offrent pas de modification essentielle par rapport au précédent ouvrage, puisqu'on y retrouve pêle-mêle les LP'S parue cette année là d'EXTREME, de CINDERELLA (fabuleux et sous estimé Heartbreak Station), d'ANNIHILATOR, de SCORPIONS et autres ZZ-TOP. Même si une fois de plus, les options peuvent paraître surprenantes (si Recycler et Crazy World furent en effet largement inférieurs pour la critique et le public aux sorties antérieures des Texans et des Allemands, Cherry Pie de WARRANT et Pornograffitti d'EXTREME sont la plupart du temps considérés à juste titre comme leur meilleur effort), le choix est pertinent, mais on sent déjà que les choses étaient en train de changer, ce que Thierry symbolise à merveille en y glissant subrepticement dès le traitement de l'année 1991 des albums des SCREAMING JETS ou de SPIN DOCTORS. C'est d'ailleurs l'année la plus "légère" de l'ouvrage, puisque seuls sept albums y sont traités.

1992 incarne définitivement la rupture avec le Hard Rock traditionnel que les enfants des 70's/80's ont connu, et nous retrouvons au gré des pages les travaux d'ALICE IN CHAINS, ou de T-RIDE. Et plus les segments avancent, moins le Hard Rock "basique" trouve sa place, même si Thierry essaie toujours d'équilibrer la balance pour ne pas trop s'éloigner de son leitmotiv initial. Avant bien sur la réhabilitation des années 2000.
Certains d'entre vous trembleront de stupeur en lisant ses chroniques de TERRORVISION (quand même assez Pop comme combo), de MILLENCOLIN (plus proche du Punk à la Epitaph que du Detroit des STOOGES), ou des DONNAS (même si ces dernières fêtaient le revival des RUNAWAYS en grandes pompes), mais c'est une preuve supplémentaire de l'objectivité de monsieur Aznar qui a depuis longtemps refusé de brider sa vue par des ornières.

Au niveau de la forme, on note immanquablement une concision accrue au niveau des chroniques, qui dépassent rarement les deux pages. Thierry s'en tient à l'essentiel, d'une part sans doute à cause d‘affinités personnelles qui le rapprochent plus des groupes des décades précédentes, mais aussi sans doute parce que moins de choses ont été dites/écrites à propos des disques abordés dans ce second tome. Il faut dire que parfois les traitement sont basés sur des CDs assez obscurs (qui se souvient encore du formidable premier album de T-RIDE passé complètement inaperçu ?), et que la prose disponible à leur sujet – même sur le net – est assez rare et éparse. Mais il s'en tire à merveille et donne une fois de plus envie de se replonger dans les mélodies délicatement transitoires de groupes novateurs, ou dans les derniers sursauts créatifs de monstres sentant le vent tourner, mais ne se décidant pas à raccrocher les gants. Ainsi, à la lecture du bouquin, je me suis jeté sur des travaux que j'avais depuis longtemps remisé au placard, comme le fabuleux Revenge de KISS, ou l'extraordinaire This Is Rock N'Roll des QUIREBOYS.
Thierry se pose une fois de plus en défenseur d'albums mal aimés, voire carrément haïs, qui se posent en controverse ultime dans la discographie de certains mammouths, à l'instar du précieux Chinese Democracy du sieur Rose, ou du honni St Anger des METALLICA si versatiles.

Au final, ce nouveau tome forme avec son grand frère une encyclopédie riche, vivante, qui se consulte régulièrement, pour se souvenir, pour évoquer, pour convaincre, encyclopédie animée par un style alerte, concis, qui trahit une véritable passion pour la musique, une passion que certains journalistes/critiques ont tendance à oublier pour ne pas se départir d'un cynisme et d'un recul qu'ils estiment nécessaire à la pratique de leur "art". Mais en se comportant ainsi, ils oublient que le véritable art se trouve dans cette musique dont il parlent et pas dans leurs articles, que tout le monde aura oubliés quelques semaines après les avoir lus. Thierry lui, sait cela, et s'efface devant la véritable star. Celle que l'on vénère tous depuis des années et des années et qu'il aime par dessus tout, peu importe sa couleur et sa tendance.

La musique.