VAN HALEN : Everybody Wants Some (2013)
Auteur : Ian Christe
Traduction : Angélique Merklen & Maxim Dubreuil
Langue : Français
Parution : 21 novembre 2013
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 486
Genre : Biographie
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357794054
ISBN-13 : 9782357794054
Certaines success stories semblent parfois sur écran large un tant soit peu exagérées. Personnages hauts en couleur, de provenance modeste, aventures exotiques, filles à gogo, idées plus que géniales, talent + coups de bol en rafale, drames, décès, accidents, dope, tout y passe, et on souvent tendance à marmonner dans sa barbe un truc du genre :
"Mais oui, bien sur...Pff, s'foutent de not'gueule !"
Et pourtant. Parfois, ces contes de fée-romones sont encore bien loin de la réalité et souffrent de l'ombre d'histoires vraies, encore plus extra-ordinaires que les extrapolations que le cerveau du plus fécond des scénaristes ne pourra jamais écrire. Et bien sur, quelle autre terre d'asile que les USA comme toile de fond de ces légendes larger than life ? Aucune évidemment. Et aujourd'hui, une fois de plus, c'est un petit morceau du voyage sur le Mayflower qui nous est proposé, au travers d'une saga qui n'a que peu d'équivalents dans l'histoire de la musique, une histoire de famille, de frères de sang ou frères ennemis, de potes, de rivaux, celle de VAN HALEN.
VAN HALEN, c'est l'invasion des USA par l'Europe. C'est l'histoire de deux frangins, fils d'une mère javanaise et d'un musicien hollandais, qui voulait lui aussi croquer dans la pomme d'outre Atlantique à pleines dents, et qui a emmené dans ses bagages ses deux rejetons, aussi affamés que lui. C'est l'histoire d'un poseur/fantaisiste/bateleur fantasque, qui rêvait d'un rêve encore plus grand que les étoiles sur Hollywood Boulevard, et qui voulait voir son nom et sa tronche en haut de l'affiche. Et qui s'y voyait déjà. C'est l'histoire d'un bassiste effacé, discret, aux besoins modérés et à l'attitude effacée. Et c'est aussi celle d'un chanteur/guitariste explosif, à la tignasse moutonesque, et aux déclarations sans ambages. C'est une fusion, c'est une explosion en plein vol, ce sont des doigts qui courent le long d'un manche et qui font aussi virevolter des baguettes sur des fûts. Un instrumental révolutionnaire, une reprise coup fourré bien sentie, une façon de voir les choses à contre-courant de la mode, quelques coups de pouce, et puis soudain, une révélation, pour le monde entier. Après Hendrix, Beck, Page et Clapton, un nouveau Dieu de la guitare, reprenant à son compte une vieille recette digitale pour la transformer en trademark évidente. Une icône, un ange souriant descendu du Walhalla de la six-cordes, et un modèle pour une génération entière de tricoteurs.
Edward Van Halen.
Ce nom, c'est plus qu'une marque. C'est plus qu'un patronyme, c'est quasiment un exercice de style. Et surtout, c'est à lui seul l'emblème d'un groupe qui s'appelle comme lui et son frère, et qui en moins de dix ans, a conquis la planète à grands coups de riffs frais et de soli ravageurs. Une belle gueule, un talent lumineux, un don de compositeur certain, accompagné par une clique tapageuse et hétérogène, épaulé par un autre Van Halen au beat plombé et au tempo versatile, et un chanteur aussi fantastique que futile, Edward fut à la fin des 70's et aux 80's ce que fut Page à la fin des 60's et aux 70's. La moitié d'un duo orageux, l'inspiration faite homme, le troubadour de génie, au sourire ultra brite cachant des côtés plus sombres. Sauf que loin de l'univers de Tolkien et des pages arpentant les sentiers, Edward préférait la fusion du classicisme européen au fun outrancier de la Californie des années 70. Et mis le feu à Pasadena, avant de s'attaquer au reste de l'Amérique, puis de la planète. Vous êtes prêts à faire le grand saut avec lui, guidé par Ian Christe ?
So, you might as well jump.
Everybody Wants Some, vous dira tout. De début, à la presque fin. Car Ian Christe n'a fait l'impasse sur rien. De l'ascension fulgurante de ces deux gamins hollandais jusqu'aux multiples engueulades et reformations entérinées ou non des années 1990/2000, tout est là (ou presque, car CHICKENFOOT et le dernier album studio A Different Kind Of Truth sont passés sous silence), raconté, sans fioritures, sans arabesques, sans pause, à la manière dont ont vécu cette aventure Edward, Alex, Michael, David, Sammy, Gary et les autres...
De l'éruption originelle sur un album éponyme et hédoniste à la tentative de retour aux sources manquée de III avec un pauvre Gary Cherone qui a essuyé les plâtres, voire jusqu'à la première reformation avec Roth, le rabibochage avec Sammy, tout est passé en revue. Sexe, drogues, alcoolisme, mariages, succès pharaoniques, tournées/orgies démentes, blagues de potaches, engueulades sévères, limogeages en règle, oubli, repentance, la lumière jaillit de partout, et parfois les ténèbres vous encerclent. Et si bien sur Edward et son frère se taillent la part du lion, chacun des musiciens ayant traîné ses guêtres dans le groupe se voit gratifié d'une bio chronologique l'accompagnant même dans ses projets solo. Mais si l'auteur fait la part belle au parcours interne du groupe, des débuts californiens prometteurs à la consécration commerciale de 1984, la période Hagar(de), le court intermède Cherone, les réconciliations/éjections avec Lee Roth, il n'en oublie pas pour autant la carrière solo chaotique de David (dont certains passages le présentent sous un jour différent, le rendant beaucoup plus attachant), les talents de producteur/revendeur de Tequila de Sammy, et les multiples bidouillages matériels d'Eddie, le roi de la customisation, avec ses Frankenstrats sorties d'un esprit perfectionniste infernal.
Christe, en racontant cette histoire, pouvait se vautrer de façon encore plus violente et traumatisante que David ayant manqué un grand écart facial. Il est vrai que cette saga unique, méritait un traitement particulier, et avouons le, Ian a remporté le challenge haut la main tant son style colle de près à ce conte de fée-nomène. Everybody Wants Some ne prend pas parti. Ne déguise rien, ne travestit personne, car après tout, à ce niveau là, Eddie et sa bande n'avait de leçon à recevoir de personne. Tous les portraits brossés sont fidèles à la réalité, et personne n'en sort indemne. Christe n'essaie pas de faire passer Eddie pour un petit ange, David pour un démon egomaniaque, Alex pour un grand frère protecteur et solide, Sammy pour un touriste en short ou Michael pour un laissé pour compte. Ou plutôt si, mais pas que. Chacun est reconnu à sa juste valeur, à son juste talent, et au final, c'était l'unique option dont disposait le narrateur. Car aussi talentueux qu'Eddie ait toujours été, il n'aurait pas pu faire grand chose sans les trois/quatre autres. Il lui fallait la rythmique gémellaire de son frère. Il lui fallait la grande gueule et la science du show de David. La basse discrète et la bonhomie de Michael. Le caractère pluridisciplinaire de Sammy. Mais il lui fallait aussi la confiance indéfectible de son père, et de sa femme, qui aura fermé les yeux sur bien des excès.
Car voilà le terme : Excès. Et Ian Christe s'en sert tout au long de ces cinq cents pages pour décrire tout ce qui a pu arriver au quintette, quelle que soit sa configuration. Les chambres d'hôtel ravagées, les tournées épuisantes, les groupies troussées backstage, les albums de platine qui tombent comme des rasades de bourbon, les hommages rendus par les pairs, les coups de poignard en plein cœur ou dans le dos, les prouesses techniques d'Eddie, en gros, tout ce qui fait qu'une histoire est passionnante et prenante, et pour peu qu'on se sente concerné par la scène Hard Rock d'il y a trente ans, Everybody Wants Some se pose comme bible d'une époque révolue mais dont des millions de fans sont nostalgiques, comme en témoigne ce concert surprise au Whisky à Gogo dans les années 90, pris d'assaut par des millions d'aficionados.
Sans tomber dans la prose populiste qui aurait grandement handicapé son bouquin, mais sans non plus verser dans l'académisme hors sujet, Ian se contente de raconter les faits, sans avoir besoin de les mettre en scène par des formules à l'emporte pièce, puisque ceux ci sont déjà assez scénarisés par la réalité même. Il est vrai que quand on s'attaque à un tel Annapurna, la tâche est rude, et Christe s'en sort haut la main, tant son livre est vivant, vif comme un cabri lorsque l'action est ininterrompue, et plus emphatique lorsque les périodes sont troubles. Avec ce petit plus sympa que sont ces titres de chapitres en forme de clin d'œil à des standards du Rock, Everybody Wants Some n'est peut être pas LA biographie ultime de VH, mais elle reste une description fidèle d'un groupe qui aura tout connu, et qui reste de nos jours un des piliers du patrimoine musical US.
Et il résumé à merveille toute la philosophie initiale d'un groupe que David résumait sobrement, il y a plus de trente cinq ans :
"I live my life like there's no tomorrow
And all I've got, I had to steal,
Least I don't need to beg or borrow
Yes I'm livin' at a pace that kills"
Alors, allez y, respirez un grand coup. Ouvrez Everybody Wants Some à la première page.
Et sautez.
Ajouté : Jeudi 13 Mars 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 37386
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