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EXTREME (usa) - III Sides To Every Story (1992)






Label : A&M Records
Sortie du Scud : 22 septembre 1992
Pays : France
Genre : Funk Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 15 Titres - 76 Mins





Qu’il est difficile parfois de se remettre d’une œuvre ayant laissé une trace indélébile dans l’histoire de la musique, ou plus humblement, dans le cœur de millions de fans à travers le monde. Comment aborder la suite d’une histoire ponctuée d’un coup d’éclat, d’un instant de grâce parfois fugace qui fait monter les enchères et place la barre de la qualité si haute qu’elle devient très difficile à atteindre, et encore plus à franchir. Que ce soit un single (et dans ce cas précis, les exemples deviennent légion, sans même avoir à parler des one hit wonder…), ou un album phare, l’étape suivante ressemble parfois à un fossé si infranchissable qu’il convient alors d’adopter la bonne réaction, quelle qu’elle soit. On occulte, et on passe à autre chose comme si de rien était, on décalque, parfois note pour note, ou on se lance dans une entreprise encore plus ambitieuse, au risque de tomber très bas.
Prenons pour exemple la montée en puissance impressionnante du FLOYD dans les années 70. De Dark Side Of The Moon qui fut cité en exemple, jusqu’à un Animals jugé par de nombreux amateurs comme sa grande œuvre des 70’s, Roger WATERS n’a cessé de regarder plus haut, jusqu’à proposer un double concept album aussi grandiloquent que cathartique. Mais ce fut au prix de sa santé mentale, et il sacrifia ses collègues sur l’autel de son Ego, ne supportant plus de partager les louanges avec ceux qu’il jugeait n’être que de simples figurants.

Parlons d’un cas beaucoup plus ciblé et proche de nos intérêts. EXTREME.

Après un premier et éponyme album, qui plantait déjà les graines de la fusion à venir, tout en restant indéniablement Hard, le quartette s’est permis de sortir le LP qui enterrait définitivement les 80’s, à grands coups de rythmiques Funk et de guitares expansives. Pornograffitti. Long à décoller, mais mis en orbite par la ballade acoustique « More Than Words », qui conquit le cœur de millions d’auditeurs, prêts à se plonger dans cette ambiance délicatement ciselée. Quelle ne fut pas leur surprise en découvrant le reste du CD, gorgé d’énergie à la James Brown, de pépites rétro payant autant leur tribut au Jazz des années 30 qu’au Paul McCartney de « You Gave Me The Answer » (« When I First Kissed You »), et surtout, de digressions guitaristiques si délurées que même Eddie VH en avait la jaunisse.
Car EXTREME, autant qu’une musique cohérente et contagieuse, c’était aussi des individualités notables. Gary et son chant profond et plein de feeling, l’autorisant à faire à peu près tout ce qu’il voulait, chanteur versatile doublé d’un show man de premier plan. Pat, bassiste sobre dans le geste, mais précis dans l’exécution. Jamais trop, mais toujours pile quand il faut. Paul et son beat groovy, sa solidité à la grosse caisse et sa frappe aussi chaloupée que percutante.
Et Nuno, bien sur. Comme dit précédemment, il était l’héritier incontestable de Jimi, Eddie et Yngwie. Le sens de l’innovation du premier, la folie douce du second, la vélocité classique teintée d’arabesques du troisième. Ajoutez à ça un physique de Sioux sexy, et vous avez l’arme fatale sous la main. Pratique.
De Pornograffitti, il n’y avait rien à exclure. Tout était juste et bon. C’était frais et torride à la fois, Funk, mais Heavy, sérieux, mais dérisoire. De quoi satisfaire tout le monde.

Mais après ? Que faire ? La suite ? Autre chose ?

Les deux. En poussant les potards à 11 et en gonflant le turbo de l’ambition au maximum. Il fallait après cette tournée monter dans les tours sans risquer la sortie de piste. Et c’est ainsi que naquit le conceptuel et religieux III Sides To Every Story.

Si l’influence BEATLES se fait sentir au détour des sillons, sans que le groupe ne s’en cache le moins du monde (mais qui, en intégrant une mélodie à une structure Rock peut ne pas être influencé par les quatre poilus de Liverpool ?), c’est d’une part parce que le groupe a enregistré dans les mythiques studios d’Abbey Road, et que les emprunts au plus grand groupe de Pop du siècle sont légion. Mais il est certainement aussi pertinent d’établir un parallèle entre ce troisième LP des Bostoniens et le magique A Night At The Opera de QUEEN. Même utilisation des possibilités du studio, même emphase lyrique nuancée d’une épure acoustique (comparez par exemple les associations « ‘39 »/ « Bohemian Rhapsody » sur l’un et « Tragic Comic »/ « Everything Under The Sun » sur l’autre pour en être convaincus…), et même conception des chœurs en cascade (« Rise 'N Shine », « Seven Sundays », ça lorgne quand même pas mal du côté de « You’re My Best Friend » ou « The Prophet’s Song »).
Alors certes, III Sides… est aussi compact qu’Opera… était versatile, de par son découpage précis et ses ambiances bien définies, avec une partie énergique et Rock (Yours), une partie intimiste (Mine), et une dernière progressive et lyrique (The Truth), mais il n’en reste pas moins qu’il surpasse à mon humble avis, tout du moins niveau créativité, son prédécesseur.

Jaugeons chaque segment individuellement.

Yours.
Six titres qui résument tout le côté Heavy et Funk de Gary et sa bande. Une collection de morceaux aussi percutants qu’impeccables, qui auraient à eux seuls constitué un EP d’une qualité intrinsèque absolue. Si Pornograffitti vous explosait à la gueule avec son « Decadence Dance » qui a du faire s’agiter pas mal de têtes chevelues dès la fin de l’orage, « Warheads » est une pépite de Hard tonitruant mixant le meilleur d’un Van Halen primesautier avec un riff bien velu sur lequel Vernon Reid n’aurait pas craché. Et après les invectives quasi militaires de l’intro, c’était bien le minimum à offrir. C’est parti, accrochez-vous.
Le single « Rest In Peace », quasi Pop, à un parfum très DEF LEP, avec ses cordes synthétiques et son refrain amené par des chœurs travaillés. "Make love not war vs Make love like a man". C’est ainsi. Avec en bonus, un clin d’œil poussé à Lennon au passage ("Someone’s said give peace a chance").
Seul temps mort de ce premier chapitre selon moi, « Politicalamity », qui sonne comme un leftover de Pornograffitti, pas forcément inspiré. Mais l’hymne à la tolérance qu’est « Color Me Blind » recentre derechef les débats, et nous ramène à l’époque spontanée d’Extreme, l’album. Avec comme d’habitude un solo posé dans un écrin de groove explosif, c’est le signal du départ de la montée en puissance de cette première partie. Avec à sa suite un « Cupid's Dead » syncopé, au long passage instrumental diabolique durant laquelle la guitare et la basse jouent au chat et à la souris, et un « Peacemaker Die » puissant, empruntant au passage les fameux mots teintés d’amour et de compassion de Martin Luther King, nous sommes confrontés à une somme de créativité impressionnante qui nous laisse le souffle court. Et nous n’avons pour l’instant assimilé qu’un tiers de l’album. Ca laisse songeur…

Mine.
Second volet de l’album, basé sur l’introspection et l’intimisme. Exit les cavalcades basse/batterie, bonjour les arrangements sobres et/ou flamboyants, et l’émotion palpable. « Seven Sundays » et sa voix de tête fragile situe d’emblée le ton, et si l’on peut reprocher au groupe l’abus de cordes emphatiques qui plombent un peu l’épure, il faut reconnaître qu’une fois de plus, la mélodie fait mouche. « Tragic Comic » et sa nonchalance calculée vient heureusement alléger l’atmosphère, et c’est bien évidemment un moment phare de ce second segment. Gary et Nuno s’en donnent à cœur joie dans l’échange vocal, et l’acoustique joyeuse redonne des couleurs au travail.
« Our Father » se veut un peu plus cru, mais ne manque pas de délicatesse pour autant. C’est une pause intelligente dans l’évolution/progression, un grain de sable qui ne fragilise pas l’ensemble, mais l’aère. « Stop The World » a de faux airs de « Happy X Mas (The War Is Over) » de Lennon et Ono, et se veut fédérateur, ce qu’il est assurément. Son final est éblouissant, nostalgique et porteur d’espoir à la fois. Avec en exergue une nuée de chœurs enchanteurs.
« God Isn’t Dead ?” et sa fausse question mise tout sur le duo Piano/Voix, et prouve s’il en était besoin quel chanteur d’exception est Gary Cherone. Aussi lyrique que put l’être « Eleanor Rigby » en son temps (allégeance confirmée par l’emprunt du fameux « Look at all the lonely people »…), c’est une façon très lacrymale d’achever cette seconde partie, mais qui fonctionne parfaitement. Nous sommes maintenant prêts à affronter la vérité.

The Truth.
Sans doute le plus direct appel du pied vers Lennon et McCartney. Engeance légitime du medley présent sur l’ultime album enregistré par les Anglais, « Everything Under The Sun » et ses trois versets ne cache pas son admiration pour le fameux « The Huge One » qu’on retrouvait sur Abbey Road en 1969. A la différence notable qu’EXTREME offre trois chansons individuelles tenant parfaitement debout en lieu et place d’épars fragments de chansons assemblés en studio.
Mais le principe reste le même. Achever l’histoire par une autre histoire. Et c’est aussi bouleversant.
L’amorce « Rise 'N Shine » synthétise à merveille les cinq titres de Mine. C’est subtil, vaporeux, emphatique, et le contrepoint du chant de Nuno met parfaitement en valeur le leadership vocal de Gary. Arrangements luxurieux, guitare nostalgique, c’est un apaisement total et six minutes de paix intérieure. Une facétieuse flûte vient même taquiner la guitare de Nuno, et donne un joyeux aspect 70’s à l’entreprise. Comme si « Love Is All » flirtait avec Jethro Tull.
« Am I Ever Gonna Change », c’est bien sur un raccourci qui nous renvoie à Yours. Riff plombé, binaire pesant, toujours survolé par des lignes vocales pures, mais cette fois ci beaucoup plus tranchantes, grâce à un phrasé très précis et investi.
« Who Cares ? », et le parallèle avec le Double Blanc et son final Starrien de « Good Night » devient palpable. Berceuse/ballade unique, jouant sur la corde sensible avec quelques notes de piano savamment choisies, touchant au cœur, c’est le groupe qui se met à nu (« Here I am, a naked man »…), et assume ses choix et son optique dantesque (« Your prodigal son »). On ne pouvait rêver plus beau final, et on se prend à imaginer Gary, seul, sur une plage, déclamant d’une voix assurée son monologue chanté à l’océan, miroir de Dieu. Quelques minutes de beauté pure, qu’on pourrait aussi rapprocher du fabuleux « Losing Time-Grand Finale » du Six Degrees de DREAM THEATER, qui suit d’ailleurs plus ou moins le même chemin. C’est la fin du chemin, la fin des questions.

Il fallait oser sortir un tel album après le succès commercial et critique de Pornograffitti, LP emblématique de l’extrême fin des 80’s. EXTREME n’en était alors qu’à son troisième effort, le cap le plus difficile à passer, et dont le pari artistique fut emporté haut la main. Las, le public accueilli fraîchement III Sides To Every Story, le trouvant sans doute trop « gros », trop « large », trop « riche ». Il n’en reste pas moins que celui ci fut l’achèvement total de la carrière du quartette, et qu’il a laissé des traces indélébiles dans nos cœurs de fans. Le reste n’est qu’anecdotique, avec un « Waiting For The Punchline » sans Paul et avec Mike « new DT hitman » Mangini, assez hermétique et laissant un goût amer. Et une reformation en demi-teinte, qui ne s’imposait pas. Ainsi est l’histoire d’EXTREME. Mais il y aura toujours trois versions.

La mienne.
La votre.
Et la vérité.



Ajouté :  Mercredi 07 Mars 2012
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
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Hits: 9572
  
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